Une nouvelle année, un nouveau moi – Des soldats blessés sur le chemin de la guérison
À l’approche de Roch Hachana, le sergent-chef I. revient sur sa longue convalescence après de graves blessures de combat. Après une rééducation intense et d’innombrables séances de thérapie, il a peu à peu retrouvé sa force et son autonomie, symbole puissant de nouveaux commencements.
À 23 ans, membre de la 55ᵉ brigade, I. a été rappelé comme réserviste dès le début de la guerre « Glaives de fer ». Il a rapidement été projeté en première ligne, combattant d’abord dans les localités dévastées près de la frontière de Gaza, puis en participant à la manœuvre dans Gaza même, où il a passé deux mois de combats acharnés autour de Khan Younès.
Après cette rotation, il a été démobilisé et a voyagé quelque temps, explorant différents pays et cultures.
Mais l’appel du service est revenu. Deux jours avant Yom Kippour 2024, I. est rappelé en service actif, cette fois au Liban pour une nouvelle mission de réserve. L’opération, menée avec le corps blindé et visant le Hezbollah, devait durer deux semaines et paraissait routinière : neutraliser les combattants du Hezbollah occupant un village.
Tout a pourtant basculé en quelques secondes.
Alors qu’il avançait avec son équipe dans un bâtiment partiellement détruit, une grenade a atterri tout près. Son ami, touché à la jambe, a dévalé un escalier. Un instant figé, I. a vite repris ses réflexes : il a saisi son arme et s’est engagé contre le terroriste.
Sous une pluie de balles, I. a été touché deux fois : à la main droite et près de la hanche gauche, l’os complètement brisé. Il est tombé, se traînant avec une main et une jambe, son équipement rendant chaque mouvement douloureux. « Je suis resté conscient. La douleur ne m’a pas tué. J’ai une chance incroyable », se souvient-il. Malgré la gravité de la blessure, aucune artère majeure n’a été atteinte, mais les dégâts à la hanche étaient sévères.
Alors que les tirs se poursuivaient, il a aidé ses camarades à chercher un abri. Chaque seconde était une lutte pour survivre, mais son esprit n’était concentré que sur une chose : bouger pour rester en vie.
L’évacuation fut éprouvante : transport en char, puis en Humvee, et enfin en hélicoptère, tandis qu’il endurait une douleur extrême et s’inquiétait du combat en cours et de la sécurité de son équipe.
À son arrivée à l’hôpital Hadassah Ein Kerem de Jérusalem, une équipe médicale d’une vingtaine de personnes l’attendait. Le diagnostic était lourd : hanche pulvérisée et main gravement endommagée. Il a subi plusieurs opérations, dont une prothèse totale de la hanche, une intervention habituellement réservée à des patients bien plus âgés.
Les premières semaines de rééducation furent très dures. Totalement immobile et dépendant de couches, I. a passé quatre mois et demi à apprendre à manœuvrer un fauteuil roulant avec un seul pied. « C’était le point le plus bas de ma vie… passer de soldat d’active à l’état d’un vieillard de 80 ans », raconte-t-il. Chaque mouvement était douloureux, la moindre tâche semblait impossible.
Aujourd’hui, alors que Roch Hachana approche, I. voit l’année écoulée comme un tournant. La rééducation a mis à l’épreuve son corps autant que son mental. « Il faut serrer les dents, mordre sa langue. Tu dois traverser l’épreuve et comprendre que chaque jour sera un peu meilleur. »
Deux jours après la pose de la prothèse de hanche, I. se tenait déjà debout, accomplissant des gestes du quotidien sans aide. « Je pouvais faire tout ce que je voulais, sans assistance », dit-il.
Mais le défi mental restait immense. « Tout est devenu plus facile car le plus gros obstacle était derrière moi… c’était dans la tête. J’ai vaincu la plus grande montagne, et désormais, quoi qu’il arrive, ce sera plus simple », souligne-t-il.
Rejouer de la musique faisait partie de ses objectifs. Retrouver l’usage de sa main était crucial ; au fil du temps, il a pu déclarer avec fierté : « Je peux à nouveau jouer sans difficulté, comme avant. » La musicothérapie, les séances de soutien psychologique et les exercices quotidiens sont devenus les piliers de sa guérison.
Le soutien de sa famille, de ses amis et de ses camarades l’a porté. « J’avais ce feu en moi, montrer que ce qui s’était passé ne me détruirait pas », confia-t-il.
« J’ai découvert ma force intérieure, ce que je peux accomplir et ce que cela signifie. » Sa détermination était nourrie par l’envie d’honorer son unité, ses amis et les sacrifices consentis.
Près d’un an après avoir été blessé, I. peut marcher et même courir, tout en continuant à renforcer sa jambe et sa mobilité. Ses ambitions sont claires : « Je veux randonner de nouveau… voyager dans le monde… et le faire avec ma petite amie. »
Au-delà de ces projets, il porte une mission plus profonde : « Je pense vraiment que nous avons une mission cette année : montrer qu’en tant que Juifs, nous sommes forts et que nous ne partirons nulle part. »
En rétrospective, il voit ce parcours comme un chemin de croissance. « Je sens que de ce que j’ai vécu, au plus bas, je peux vraiment grandir. » Il a découvert la résilience, la patience et un nouvel amour de soi. Pour lui, survivre ne consiste pas seulement à rester en vie : c’est se tenir debout et prouver qu’après les blessures les plus dures, on peut toujours « voir la lumière au bout du tunnel ».